Ces psycho-freins qui nous empêchent de maigrir
Mincir c'est aussi dans la tête. Et parfois, ça bloque. La solution ? Repérer ces freins, les comprendre et les dépasser. Focus sur les obstacles psychologiques qui nous empêchent de perdre du poids.
Les rondeurs sont comme les nœuds d'un arbre, elles recèlent notre monde intime, ses fragilités cachées, ses peurs refoulées, ses blessures mal cicatrisées. Maigrir, c'est s'y frotter.
Rien d'étonnant, dès lors, que notre si vaillant projet de minceur se solde par un refus d'obstacle.
Sigmund Freud le disait : "Nous sommes le jouet de notre inconscient."
Obstacle n°1 : le cercle familial
Maigrir, quand toutes les silhouettes familiales sont enrobées, revient à se singulariser, pire, à valoriser un corps résolument en opposition avec la génétique transmise. Ce qui peut être ressenti comme un rejet symbolique ou un désaveu de ses origines avec, à la clé, le risque de blesser ses proches.
Une responsabilité difficile à endosser, mais nécessaire pour le psychiatre Gérard Apfeldorfer, auteur de Maigrir, c'est dans la tête (éd. Odile Jacob) et cofondateur du programme de thérapie en ligne linecoaching.com :
Mincir, c'est aussi rompre avec ceux qui nous aiment tels que nous sommes et à qui l'on dit, en maigrissant, qu'ils ont tort de nous aimer ainsi, puisque nous-mêmes, on ne s'aime pas
Quand la culpabilité confine à la torture affective, l'inconscient tranche : les kilos restent immuablement accrochés et, nous, en accord avec la lignée.
Certaines ont grandi avec une mère qui valorisait l'intransigeance corporelle. Nombreuses sont les ex-ados sous influence qui continuent à s'infliger des diètes restrictives pour tenter de rivaliser avec l'image d'elles que leur mère a idéalisée.
Une manière inconsciente aussi de perpétuer l'exigence maternelle. Sauf que l'échec se tient en embuscade : il est impossible de maigrir durablement pour autrui.
Les lâcher-prises compulsifs le disputent aux restrictions, saccageant au passage l'estime de soi, tandis que le cerveau cadenasse à double tour la lipolyse (stockage des graisses) pour protéger l'organisme.
Mais contre toute attente, ne pas maigrir peut signer un acte de rébellion. Pour le psychiatre et nutritionniste Bernard Waysfeld, auteur de Le Poids et le Moi (éd. Armand Colin),
C'est une manière, inconsciente, de rester en opposition avec l'image maternelle intériorisée
L'alimentation tient une dimension affective forte dans beaucoup de familles. S'aimer et, plus encore, se le témoigner, c'est communier avec de la bonne chère.
Résultat : même rassasiée, on ne rechigne pas sur la taille des portions, pas plus qu'on ne boude les plats présentés. Les mets sont une marque symbolique d'amour. Minauder ou les refuser, c'est le repousser.
C'est ainsi que l'on finit toujours son assiette au mépris de sa satiété, pour manifester son attachement à l'être cher qui s'est mis aux fourneaux, ne pas ternir le bonheur commun ni trahir l'éducation reçue.
Un message si ancré que, même loin des siens, laisser le surplus d'un plat relève de la faute condamnable. Maigrir, c'est alors guerroyer entre un conflit de loyauté envers ceux qu'on aime et la culpabilité de vouloir s'affranchir des traditions.
Obstacle n°2 : le besoin de réconfort
Stress, déception, ennui... On fait une razzia dans le frigo pour neutraliser le trop-plein émotionnel qui nous submerge. Et, un temps, ça fonctionne. Manger active la sécrétion d'endorphines aux vertus anxiolytiques. Sauf qu'on a engouffré en mode XXL et donc on stocke.
Surtout, "les problèmes qui nous ont troublés n'ont pas disparu. Et tandis qu'on se lamente sur son poids qui n'en finit pas de grimper, on oublie pourquoi on s'est mis à manger et on ne se confronte pas à ses problèmes. Or plus nous avons peur de souffrir, plus nous devenons dépendants à ce qui nous empêche de souffrir", décode le nutritionniste et psychothérapeute Jean-Philippe Zermati, auteur de Maigrir sans régime (éd. Odile Jacob) et cofondateur du programme linecoaching.com.
En évitant ainsi nos émotions, nous augmentons notre dépendance aux aliments et renforçons notre intolérance émotionnelle
On a un boss tyrannique, une mère envahissante, un amoureux un brin égoïste... Et pourtant, on ne moufte pas, on endure en silence les brimades et autres désillusions, et on "bouffe" nos colères. Mais notre corps, lui, a de l'audace pour deux, car ce qu'on ne dit pas finit par s'extérioriser sur nos courbes.
Au gré des renoncements de tout ce qu'on n'a pas pu ou su dire, notre silhouette finit par s'alourdir.
"Maigrir est un acte d'affirmation de soi. Il faut parvenir à mettre en mots ce que l'on pense ou ressent, sur un mode civilisé, au lieu de manger pour étouffer ses émotions pénibles", rappelle le Dr Apfeldorfer.
"En osant dire, on prend le risque d'être enfin entendue", résume la psychologue Michèle Freud, auteure de Mincir et se réconcilier avec soi (éd. Albin Michel). Bref, il faut ouvrir les vannes de nos affects pour réussir à ouvrir celles de la perte de poids.
Obstacle n°3 : le rapport au corps
Le surpoids constitue un bouclier protecteur qui tient les autres à distance de soi, le regard et le désir masculins en particulier, mais aussi ses fantasmes et désirs, inconscients souvent.
En donnant l'illusion de bâillonner le sex-appeal et d'escamoter la part du désirable en soi, les kilos rassurent. Mieux, ils évacuent transitoirement les peurs liées à la sexualité.
Or maigrir, c'est réinvestir sa capacité de séduction, c'est accepter de séduire et d'être séduite, de désirer et d'être désirable, de conjuguer Eros au présent et d'en éprouver du plaisir. Une mise à nu physique et psychique trop vertigineuse pour certaines. Une théorie traduite par Dr Waysfeld :
Mécanismes de défense oblige, coincées entre le désir de maigrir et la souffrance à se confronter à leurs peurs, certaines choisissent inconsciemment de se protéger en gardant leurs kilos
C'est paradoxal mais, maigrir, c'est devenir une autre et basculer en terre inconnue, où il faut substituer l'identité construite sur son ex-corps à sa nouvelle identité de mince, autant dire une mutation de soi. Et plus le désir de s'affiner est ardent, plus l'angoisse de se perdre tenaille.
C'est légitime quand il faut apprivoiser une nouvelle perception de soi : on ne bouge plus de la même manière, on refait son dressing, le regard d'autrui aussi est différent.
Pas (encore) prête à affronter ce changement, inconsciemment, on peut vouloir rester un temps encore en terrain familier, celui des kilos.
Obstacle n° 4 : la sévérité avec soi-même
Une vie qui n'est pas (encore) à la hauteur de ses aspirations ? Logique, réfutent certaines, d'avoir un corps parfait pour se glisser dans une vie parfaite. Maigrir devient une valeur ajoutée personnelle.
Maîtriser sa minceur, une prise de pouvoir narcissique qui atteste de la capacité à tenir les rênes de sa vie et donc à la réussir à tous les niveaux : couple, carrière, vie sociale...
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La fin justifiant les moyens, c'est ainsi que l'on mange sous surveillance, en dictateur de son assiette. Mais, inexorablement, l'hyper-contrôle entraîne tôt ou tard une perte de contrôle : compulsions irrépressibles, copieuse reprise de poids.